Révélations - Kaiser

Le loup tricolore avait quitté la ville, seul, complètement abattu. Sa fille, Kechara, venait de lui faire d'importantes révélations qui lui torturaient le cœur. Tout ce qu'il avait imaginé s'était avéré n'être qu'un mensonge et que la réalité était tout autre. D'un pas lent et lourd il s'était réfugié dans les montagnes, le froid et la neige lui rappelant ses origines. Son épaisse fourrure le protégeait du vent froid, et il put alors avancer sans crainte. Les yeux du loup étaient mouillés, et pour la première fois depuis longtemps, la fatigue se lisait sur son visage et sur son corps. Tout cela était si difficile à encaisser ... Il aurait donné sa vie pour protéger l'un des siens, mais visiblement, on lui avait demandé plus que ça. De la neige se mit à tomber. Ses flocons s'accrochèrent au pelage du loup comme on s'accroche à la vie. Un peu plus loin, il aperçut un rocher creux qui ne semblait pas être occupé. Sans dire un mot ou sans même accélérer le pas, il s'approcha et se laissa tomber à l'intérieur. Le sol était gelé mais cela lui importait peu.

Reicher, alors allongé, observait la neige tomber à l'extérieur. Tout semblait si calme .. Son cœur se serra d'autant plus. A présent, il n'avait plus personne. D'ailleurs, il ne souhaitait voir personne, personne ne devait le voir dans un tel état. Les oreilles baissées, il se tourna afin d'être dos à la sortie. Son regard se posa sur le mur, las. Les paroles de Kechara étaient encore présentes dans son esprit. Il avait l'habitude d'être seul, isolé du reste du monde, à veiller sur les siens dans l'ombre, cependant, personne n'avait veillé sur lui en retour. Kaiser le détestait, Fûrer n'était plus, Anthrax était indifférent et Seth trop préoccupé par la meute. Täri ne cessait de courir après Luka, Kechara lui en voulait même si elle tentait de le dissimuler, et Repshoka avait disparu il y a bien longtemps ...

Le tricolore comprit pourquoi, dans sa jeunesse, il avait mis une telle barrière autour de lui, il comprenait pourquoi il disait que les sentiments rendaient faibles. Il comprenait pourquoi les relations n'étaient jamais bénéfiques, car au final, on finit toujours par souffrir. Reicher avait tout compris dans sa jeunesse, mais avec le temps il avait fini par passer outre, et cela lui retombait dessus. Bercé par le son du vent, il ferma les yeux, laissant son âme vagabonder.

Secouant mon pelage grisé et gelé par l’hiver, je m’étais engagé hors du camp assez tôt ce matin. Je désirais faire un tour des territoires pour m’assurer que nous avions encore de quoi nourrir la meute. C’était essentielle à notre survie sinon nous risquions de nous manger les uns les autres. Les oreilles en arrières j’avais pris la direction des Monts. Je savais que le territoire était particulièrement dangereux depuis quelques semaines mais cela m’importait peu. Mon fils était très étrange depuis quelques jours. Il me semblait pensif, voir inquiet. Je n’aimais pas du tout le voir ainsi, c’était très inhabituel de sa part. Mon fils avait très mauvais caractère et c’est ainsi que je l’aimais car c’était ainsi qu’on m’avait demandé d’être.

Alors que j’avançais la neige se mit à tomber à gros flocons et mon pelage déjà clair se parsema rapidement de blanc. Mes oreilles se dressèrent néanmoins quand je sentis l’odeur de mon père. Qu’est ce qu’il fichait là lui ? S’il était venu piquer la nourriture de ma meute il ira se faire foutre dans un trou à rat ! Mes oreilles se plaquèrent rapidement alors que je me mis à sa recherche. Suivant son odeur chaude j’arrivais rapidement vers un creux, une grotte assez vaste où un corps était étendue le crâne vers le fond. Mes oreilles qui étaient en arrière se pointèrent en avant. Son odeur embaumé toute la pièce, mais il semblait mort et cela m’inquiéta… Je fus moi-même surpris de l’inquiétude qui me pris le ventre. J’entrais alors dans cette caverne et m’approchais du corps humide de neige. Où il s’agissait bien de mon père.

Mes oreilles se mirent à l’horizontal alors que mon souffle glacé se mêlait à l’air ambiant. Même si je ne voyais pas son visage je sentais bien que mon père allait mal et cela ne me plaisait pas. L’image de Zelect avant sa mort me sauta au visage et je baissais alors le museau vers Reicher avant de lui en donné un petit coup. J’agitais les oreilles espérant qu’il réagisse avant de m’asseoir à ses côtés et de ramener ma longue queue contre mes pattes.


C’était la première fois que je voyais mon père dans un état de faiblesse. Et même si ça m’inquiétait ça me rendait heureux car ça me prouvait que lui aussi avait des faiblesses et des émotions. J’avais toujours cru qu’il n’en avait pas. Qu’il n’éprouvait rien pour nous, qu’il n’aimait que ma mère, et que nous étions juste des moyens de garder le pouvoir sur la meute… J’avais toujours eus l’image d’un père puissant et froid, agressif, voir tyrannique. Alors que là j’apercevais mon père démunie, triste, mal…

Mais c’était aussi l’une des premières fois que Reicher pourrait entendre une sincère inquiétude et une sincère affection dans ma voix. Je tenais à  lui malgré moi. Je tentais de me forcer à le hair. Mais il était ma famille, et même si je refusais de lui ressembler, je savais qu’il n’y avait rien de mal à être comme lui, car j’avais conscience qu’il avait fait de son mieux, et qu’il était juste jeune et fougueux… Trop pour avoir eus des enfants quand nous sommes nés…

On aurait pu le penser endormi voire mort, mais le loup était toujours là malgré sa respiration faible. Jamais il n'aurait toléré voir un de ses fils dans le même état que lui, il l'aurait poussé à agir, à se battre face à cette faiblesse, mais ici, personne n'était là pour lui dicter sa conduite. Ce n'était pas la première fois qu'il se trouvait dans un état de faiblesse émotionnelle, mais jusque là, il avait été seul et personne ne l'avait vu.

Reicher sentit alors une présence à ses côtés, cependant il ne bougea pas. Qui que ce soit, il s'en irait en voyant que le creux du rocher était déjà occupé. Pourtant, la présence resta. Qui était-ce ? Il n'avait pas la foi de se redresser pour identifier le canidé, alors il resta ainsi, dans l'ignorance. Il sentit un coup de museau sur son corps. Cet individu était insistant, et s'il continuait comme ça, il se prendrait un bon coup de crocs. De ce fait, la seule réaction qu'il eut à ce petit coup de museau fut un léger mouvement de la queue.

Cette voix ... c'était celle de Kaiser. Jamais il n'avait entendu une telle inquiétude dans sa voix, mêlée d'un intérêt pour lui. Il se demandait si c'était réellement lui d'ailleurs, et non pas une illusion ou quelque chose de la sorte. Reicher agita alors les oreilles mais ne prit pas la peine de se lever. Le combat contre Kechara l'avait fatigué, et en plus de la fatigue physique, il ressentait une physique émotionnelle comme il n'en avait jamais connue.

« J'ai appris pour tout le monde ... pour toi ... »

Sa voix rauque fut accompagnée d'un soupir. Si Kaiser souhaitait se venger, c'était l'occasion rêvée. Mais pourtant, son fils ne semblait pas souhaiter quelque chose de tel dans cette situation.